"Qui ne risque rien n'a rien" dans le domaine de l'épargne


Il est devenu impossible de protéger la valeur de son capital, et de surcroît de gagner de l’argent, en épargnant sur un livret. Même les autres formules d’épargne à plus long terme n’offrent pas un rendement suffisant face à l’inflation. Un passage par la case "investissement" paraît donc inévitable.

 "La Bourse est la nouvelle façon d’épargner", déclare Gert Bakelants, le rédacteur en chef de la revue boursière L’Investisseur. Clairement, la frontière est aujourd’hui devenue terriblement floue entre l’épargne et l’investissement. Pour que votre épargne vous rapporte quelque chose – c’est-à-dire qu’elle rapporte davantage que l’inflation – il est devenu impossible de s’en tenir uniquement aux produits classiques de l’épargne: livrets d’épargne, comptes à terme ou bons de caisse. Pour sauvegarder la valeur de vos économies, il va donc falloir prendre quelques risques, ce que seul un Belge sur dix fait désormais selon l’enquête réalisée par Wikifin et L’Echo. "La pire erreur est de ne rien faire", poursuit Gert Bakelants. "Si vous achetez aujourd’hui une obligation d’État allemande à 10 ans qui vous rapporte du 0,4%, vous êtes certain de retrouver votre investissement au bout du compte. Mais si vous tenez compte d’une inflation moyenne de 2% par an, vous aurez perdu en réalité un quart de votre investissement. C’est très dangereux", prévient-il. 

Récapitulons.

Pour l’épargne qui doit rester disponible, privilégiez un compte qui rapporte (un peu) plus que le minimum légal, notamment auprès des banques en ligne.

Votre compte d’épargne ne vous rapporte rien. "Rien" n’est pas un terme tellement exagéré. Lorsque votre banque rémunère à 0,11% vos dépôts d’épargne – c’est le minimum légal sous lequel elle ne peut pas descendre pour les comptes réglementés – cela donne par exemple 11 euros pour un capital de 10.000 euros placés pendant un an. Alors oui, fiscalement, vous êtes exonérés de précompte mobilier pour les 1.880 premiers euros d’intérêts que vous touchez. Mais vu le montant des intérêts obtenus, cela ne peut pas être un argument…

L’inflation ronge la valeur de vos économies. En réalité, votre épargne vous rapporte très peu, mais pire encore, elle vous coûte virtuellement de l’argent. L’année dernière, le taux d’inflation s’est établi à 2% en Belgique. Vos 10.000 euros d’hier n’en valent aujourd’hui plus que 9.800 (et sans compter les éventuels frais bancaires qui vous sont décomptés). Les intérêts obtenus sont très loin de pouvoir combler cet écart.

Alors que faire? Malgré tout, il est difficile de se passer d’un livret d’épargne. Parce qu’il est essentiel d’avoir une réserve d’argent disponible et qu’on n’a pas encore trouvé de meilleur plan pour stocker de l’argent en attendant de le placer ou d’accumuler du capital pour effectuer une grosse dépense programmée.
Pour cette épargne, privilégiez un compte qui rapporte (un peu) plus que le minimum légal. Il existe encore des comptes réglementés qui rapportent jusqu’à 0,4%, comme chez MoneYou. C’est près de quatre fois plus que le minimum légal. Reste à voir si vous avez envie d’effectuer les démarches (très simples toutefois) d’ouverture de compte pour gagner moins de 30 euros à la fin de l’année (toujours sur un capital de 10.000 euros).
En revanche, si vous en êtes au stade de la constitution de votre épargne, vous pouvez opter pour un compte d’épargne avec versement mensuel maximum. Ici, on commence à voir la différence en termes de rendement. Ainsi, le compte Deutsche Bank Saving Plan offre un taux de 1,2% pour peu que vous n’y versiez pas plus de 500 euros par mois. La formule n’est donc pas adaptée à ceux qui veulent placer une épargne déjà constituée.




Les options "zéro risque"

Pour l’épargne déjà constituée ou pour l’argent que vous pouvez immobiliser plusieurs années, différentes options "sans risque" (capital garanti) s’offrent à vous. Mais sans risque, cela veut aussi dire sans réel rendement capable de vous protéger avec certitude de l’inflation.

1. Le compte à terme ou le bon de caisse

"Il existe des produits de branche 23 avec une protection de capital, mais on ne propose plus de protection à 100%, cela coûte trop cher en période de taux bas."

GERRIT FEYAERTS PORTE-PAROLE AG INSURANCE

Lorsque vous achetez un bon de caisse à votre banque, vous lui prêtez de l’argent. Elle vous rembourse le montant et les intérêts à l’échéance. Le capital et le rendement sont donc garantis, et l’épargnant bénéficie également d’une garantie des dépôts à hauteur de 100.000 euros (à vérifier selon le pays d’origine de la banque). C’est la banque CKV qui offre actuellement le meilleur taux: 1,40% brut (soit 0,98% net après précompte mobilier de 30%).
Le principe du compte à terme est identique, si ce n’est que le taux peut être progressif (mais toujours déterminé à l’avance). Ainsi, pour bloquer votre argent pendant 10 ans, la banque Izola vous propose un taux de 2,60% brut (1,82% après précompte). Les taux proposés par Izola Bank sont nettement supérieurs aux taux des autres banques pour la même échéance, qui oscillent entre 0,3 et 1% net.

2. L’assurance-vie de la branche 21

Les taux garantis des assurances-vie de branche 21 sont sous pression. Mais vous pouvez espérer une participation bénéficiaire pour doper votre rendement.
C’est le compte d’épargne "made in" assurances. Le capital, payé sous forme de primes régulières ou d’une prime unique, est garanti (par l’assureur et aussi par la garantie des dépôts bancaires) tout comme le rendement. En général, les primes versées au moment T bénéficient du rendement garanti au moment T, et cela pendant une durée déterminée (souvent huit ans), voire pendant toute la durée du contrat. Si l’année T + 1, le rendement garanti a baissé, alors les primes versées au moment T + 1 sont capitalisées au nouveau taux, et ainsi de suite. Inutile de préciser que dans notre environnement de taux bas, les taux garantis sont sous pression. Toutefois, ce taux garanti peut être assorti d’une éventuelle participation bénéficiaire, qui dépend de la performance du portefeuille dans lequel sont investies vos primes de branche 21. Ainsi, le rendement net de certains produits chez Generali, Patronale, BNP Paribas Fortis ou encore bpost banque a dépassé 2% l’année dernière. Mais l’épargnant doit avoir un horizon de placement de minimum huit ans pour bénéficier de l’exonération de précompte mobilier. Notez toutefois que chaque versement est soumis à une taxe de 2%. Vous commencez donc à épargner avec un handicap de 2%.

Les options plus risquées

ET L’IMMOBILIER DANS TOUT ÇA?

Tous ceux qui remboursent un emprunt hypothécaire pour leur habitation le savent: ils effectuent en réalité une épargne forcée. Un jour, leurs murs leur appartiendront. Ils pourront en profiter comme ils l’entendent: continuer à habiter leur logement, le mettre en location, le vendre… Ce n’est donc pas incongru d’inclure dans le montant mensuel de votre épargne celui de votre remboursement hypothécaire.

L’immobilier-investissement a également le vent en poupe, notamment chez les plus de 55 ans, selon les différentes études menées par les banques sur leur portefeuille de crédit hypothécaire. Preuve que l’immobilier devient une réelle alternative aux comptes d’épargne, étant donné le coût de l’argent extrêmement faible et le potentiel de rendement de l’immobilier bien plus élevé que celui d’un compte d’épargne.

Par ailleurs, l’économiste d’ING Julien Manceaux explique que l’on peut observer le transfert de l’épargne des livrets vers l’immobilier par la "part empruntée par prêt hypothécaire" du total des transactions immobilières. On constate que cette part a drastiquement baissé. De près de 90% à la fin des années 1990, cette proportion est passée à moins de 65% en 2016, provoquant une forte hausse de la part de l’immobilier dans le patrimoine total des Belges, d’un tiers à la moitié, en quinze ans.
Pour que votre argent vous rapporte donc réellement quelque chose, il va falloir passer par la case investissement. Mais pas n’importe comment, l’idée n’est pas de verser toutes vos économies sur un compte titre en ligne et de commencer à boursicoter le nez au vent si vous ne savez pas comment vous y prendre et si vous misez de l’argent dont vous risquez d’avoir besoin un jour. Les banques sont super inventives pour vous proposer des produits qui ressemblent à de l’épargne, mais qui sont en réalité de réels investissements, avec les risques et les bonnes surprises que cela comporte.

1. L’épargne automatique en fonds

C’est sans conteste LE produit hype de ces dernières années. Presque toutes les banques en proposent. Il s’agit de verser mensuellement un certain montant (à partir de 25 euros) sur un compte-titre avec lequel vous achetez automatiquement des parts de fonds d’investissement. Vous pouvez choisir vous-même vos fonds ou simplement vous laisser guider par votre banque en fonction du degré de risque que vous êtes prêt à prendre. Le côté rassurant provient de la régularité. Comme l’explique Gert Bakelants, "le pire ennemi de l’investisseur, c’est l’émotion. Il vend dans un contexte négatif et il achète dans un contexte positif. Il vend donc quand les cours sont déjà descendus et achète quand ils ont déjà bien monté. Tandis qu’en investissant régulièrement sur les marchés, le rendement moyen est très positif. Le risque est lissé, vous achetez tant à des cours très bas qu’à des cours très élevés. C’est le secret des fonds d’épargne pension, qui ont un rendement moyen annuel de près de 7%. C’est parce que les gens investissement chaque année un même montant, régulièrement et sans émotion. Ils ne se préoccupent même pas du fait qu’ils investissent sur les marchés financiers." Bien sûr, cela ne fonctionne que si vous avez un horizon d’investissement relativement lointain, plus de cinq ans en tout cas.

2. L’assurance-vie de la branche 23

À l’inverse de la branche 21, cette branche ne bénéficie d’aucune garantie de capital ni de rendement. Automatiquement, les gains potentiels sont donc plus élevés. "Il existe tout de même des produits de branche 23 avec protection de capital", explique Gerrit Feyaert, le porte-parole d’AG Insurance. "Ce sont des produits structurés dans lesquels vous pouvez opter pour un mécanisme de protection. Vous pouvez décider par exemple que vous ne voulez pas descendre en dessous de 90% de votre capital. Mais ces mécanismes de protection coûtent cher en période de taux bas. On ne propose par exemple plus jamais de protection à hauteur de 100%. Ce serait trop cher, et ça n’aurait donc pas beaucoup d’intérêt pour le client", explique-t-il.

En branche 23, il existe toutefois des produits plus défensifs que d’autres. L’assureur Allianz propose en effet depuis le début de l’année une assurance de branche 23 qui investit dans des SIR (sociétés immobilières réglementées) belges. Comme l’explique Gregory Homans, associé au cabinet d’avocats Dekeyser & Associés, "les SIR sont tenues de distribuer au moins 80% de leurs bénéfices. Depuis 2017, le précompte mobilier sur les dividendes des SIR s’élève à 30% (sauf certaines SIR de niche). Mais les dividendes qui tombent dans l’assurance évitent, sous certaines conditions, tout précompte". De fait, aucun précompte mobilier n’est dû en branche 23. "Les rachats pratiqués par le souscripteur d’une telle police sont exonérés moyennant certaines conditions (notamment, l’absence de rendement garanti). Il convient toutefois d’être prudent dans le cadre de ces rachats pour éviter tout risque de remise en cause par l’administration fiscale belge (simulation, etc.); si la situation est correctement aménagée, cela peut permettre au souscripteur de bénéficier des dividendes stables du SIR en totale exonération d’impôt", conclut-il.

N’oubliez toutefois pas de compter la taxe de 2% sur les primes et sachez aussi que les produits de la branche 23 facturent des frais de gestion élevés, parfois jusqu’à 4%.

3. Les parts de coopératives

Si vous avez de l’argent à placer à long terme, pourquoi ne pas devenir coopérateur pour financer des outils de production d’énergie verte dans une coopérative citoyenne? Une plateforme visant à faciliter ce type d’investissements vient d’être lancée (coopalacarte.be). Ces coopératives distribuent jusqu’à 6% de dividende par an (le maximum légal). Concrètement, vous achetez une part de la coopérative (maximum 5.000 euros par projet) et vous en récoltez annuellement les dividendes. En fin de projet (une éolienne a par exemple une durée de vie de 20 ans), vous pouvez récupérer votre investissement. Votre risque se limite au capital que vous avez versé pour acquérir vos parts, vous n’êtes en rien responsable au-delà de votre investissement. Notez que jusqu’à 190 euros (montant valable pour l’exercice d’imposition 2017), les dividendes sont exonérés du précompte mobilier de 30%. A priori, vous vous engagez pour une certaine période, l’idée n’est pas de reprendre ses billes à tout moment (ce n’est pas trop dans l’esprit de "Demain"). Ceci dit, la plupart des coopératives assurent qu’elles rembourseront, si nécessaire et si cela ne met pas en péril leur santé financière, les coopérateurs qui le désirent. Mieux vaut tout de même se renseigner à l’avance.

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