Les épargnants qui ont investi dans les fonds obligataires sont les didons de la farce


Comparés aux investissements directs en obligations et en branche 23, les investissements en fonds obligataires sont trop taxés. C’est ce que pense l’avocat fiscaliste Dirk Coveliers.

Dirk Coveliers travaille au cabinet d’avocats Sherpa Law. Jusqu’au début 2016, il était fiscaliste dans le secteur financier belge. Il a longtemps présidé le groupe de travail consacré à la fiscalité au sein de la Beama, l’association belge des gestionnaires de fonds.

Voici son interview réalisée par le journal l'Echo.

Où se situent les différences de taxation?

En cas de revente de parts de fonds de capitalisation, la taxe boursière qui s’applique (1,32%, plafonnée à 4.000 euros) est plus élevée. Le taux et le plafond sont inférieurs en cas de vente d’obligations individuelles. La branche 23 quant à elle n’est pas soumise à la taxe boursière. Lors de la sortie d’un fonds, l’État prélève un précompte mobilier sur les intérêts et la plus-value sur les obligations ("Taxe Reynders", NDLR). Comme pour la branche 23, les plus-values réalisées sur les obligations détenues en direct ne sont pas taxées. Les versements en branche 23 – en d’autres termes les primes – sont soumis à une taxe de 2% à l’entrée, mais celle-ci est amortie en deux ans grâce à l’exonération de précompte mobilier. De plus, les investisseurs peuvent passer d’un fonds à l’autre sans payer de taxe. Et pour couronner le tout, nous avons la taxe abonnement de 0,0925% sur les fonds. Cette taxe peut être comparée à la taxe d’abonnement sur les comptes d’épargne. Mais avec ces derniers, c’est la banque qui paie. Dans le cas des fonds, c’est l’investisseur-épargnant qui les prend en charge via les frais courants. La taxe boursière et la taxe d’abonnement ne sont plus justifiées à l’heure actuelle. Elles ont été introduites en 1993 parce qu’alors les fonds étaient exonérés d’impôts.

Comment réagissez-vous à l’accord estival du gouvernement fédéral?
Je pensais que le gouvernement allait simplifier la fiscalité. En page 78 de l’accord de gouvernement, on peut lire que le système fiscal sera réformé, notamment parce qu’il est trop complexe. C’est certainement le cas des fonds. Selon l’accord, le système fiscal doit aussi être juste, ce qui signifie que "chacun doit contribuer et que dans un système de taxation progressive, ce sont ceux qui ont les épaules les plus larges qui sont les plus taxés". Et que voyons-nous dans l’accord estival? Seul un groupe d’épargnants est visé, ceux qui investissent dans des produits bancaires et en particulier dans des fonds qui ne sont pas investis à 100% en actions. Nous nous éloignons donc encore davantage de l’objectif d’une fiscalité équitable sur les investissements.
D’après vous, où réside le problème?
La fiscalité change en fonction du produit. Cela a commencé en 2005 sous Di Rupo. Il a un jour déclaré dans une interview télévisée que "les fonds de capitalisation étaient des produits pour les capitalistes". Par ailleurs, l’accord estival exacerbe la concurrence entre les produits bancaires et d’assurance. Le Tijd et L’Echo ont écrit récemment (NDLR: L’Echo du 26 août): "La branche 23 n’a jamais été aussi attrayante sur le plan fiscal". L’objectif est-il de faire glisser les capitaux des fonds obligataires vers la branche 23?"

LES PHRASES CLÉS
  • "Seul un groupe d’épargnants est visé, ceux qui investissent dans des produits bancaires et en particulier dans des fonds qui ne sont pas investis à 100% en actions."
  • "Nous nous éloignons donc encore davantage de l’objectif d’une fiscalité équitable sur les investissements."
  • "Il est clair qu’il y a violation des articles 10 et 11 de la Constitution, qui autorisent des différences fiscales entre les épargnants, à condition qu’elles soient objectivement justifiées."
  • "La fiscalité sur les investissements doit être neutre. Et moins complexe."

Où se situent les différences de taxation?


En cas de revente de parts de fonds de capitalisation, la taxe boursière qui s’applique (1,32%, plafonnée à 4.000 euros) est plus élevée. Le taux et le plafond sont inférieurs en cas de vente d’obligations individuelles. La branche 23 quant à elle n’est pas soumise à la taxe boursière. Lors de la sortie d’un fonds, l’État prélève un précompte mobilier sur les intérêts et la plus-value sur les obligations ("Taxe Reynders", NDLR). Comme pour la branche 23, les plus-values réalisées sur les obligations détenues en direct ne sont pas taxées. Les versements en branche 23 – en d’autres termes les primes – sont soumis à une taxe de 2% à l’entrée, mais celle-ci est amortie en deux ans grâce à l’exonération de précompte mobilier. De plus, les investisseurs peuvent passer d’un fonds à l’autre sans payer de taxe. Et pour couronner le tout, nous avons la taxe abonnement de 0,0925% sur les fonds. Cette taxe peut être comparée à la taxe d’abonnement sur les comptes d’épargne. Mais avec ces derniers, c’est la banque qui paie. Dans le cas des fonds, c’est l’investisseur-épargnant qui les prend en charge via les frais courants. La taxe boursière et la taxe d’abonnement ne sont plus justifiées à l’heure actuelle. Elles ont été introduites en 1993 parce qu’alors les fonds étaient exonérés d’impôts.

Existe-t-il des raisons objectives de taxer différemment les mêmes investissements?

Vous pouvez argumenter qu’un fonds donne accès à des marchés qui ne sont généralement pas accessibles aux particuliers via les obligations individuelles, et que la taille des ordres réduit les frais de transaction. Mais un fonds investit dans ces centaines de titres et offre donc aux épargnants une diversification à laquelle il ne pourrait accéder par des investissements directs. Cela permet donc de réduire les risques. Ces investissements ne sont pas spéculatifs. Malgré tout, ils sont fiscalement plus pénalisés que des investissements directs en obligations. La différence est encore plus marquée avec la branche 23, où l’assureur peut profiter des avantages de certains marchés et de réductions de frais de transaction. Pour moi, il y a violation des articles 10 et 11 de la Constitution, qui autorisent des différences fiscales entre les épargnants, à condition qu’elles soient objectivement justifiées. Ce qui n’est pas le cas ici.

"On pourrait taxer un revenu forfaitaire. Il suffirait pour cela de définir un rendement forfaitaire conforme au marché."
DIRK COVELIERS -AVOCAT FISCALISTE

D’après vous, à quoi doit ressembler une fiscalité saine des investissements?

C’est un système dans lequel les épargnants n’ont pas à tenir compte de la fiscalité dans leurs choix d’investissements. La fiscalité sur les investissements doit être neutre. Et moins complexe. Si nous voulons la simplifier, nous pouvons miser sur une nouvelle tendance que l’OCDE et la Commission européenne utilisent depuis quelques années pour l’échange d’informations. Elles se basent sur les "comptes financiers" qui incluent également les assurances liées à des investissements. Sur la base du solde moyen annuel des "comptes financiers", on pourrait taxer un revenu forfaitaire. Il suffirait pour cela de définir un rendement forfaitaire conforme au marché, par exemple 2% pour les obligations et 5% pour les actions. Les banques se chargeraient de retenir le précompte mobilier. Ce système serait plus équitable et correspondrait mieux à ce qui se fait à l’étranger, notamment aux Pays-Bas. Ainsi, tous les produits financiers seraient traités de la même façon, qu’ils soient belges ou étrangers. Et la taxe toucherait d’autres produits qui y échappent actuellement.

Êtes-vous en train de proposer un impôt sur la fortune?

Non. Il s’agit d’une simplification du système actuel de précompte mobilier sur les dividendes, les intérêts et des taxes lors de la sortie des fonds. Ma proposition peut tout remplacer, y compris les taxes boursières et la taxe sur la prime qui touche la branche 23. Une taxe all inclusive donc. De plus, avec ce système, vous évitez la mise en place d’un cadastre des fortunes. Un scénario catastrophe pour certains politiciens. C’est la banque qui calcule tout et retient la taxe à la source pour compte du fisc.

Source: L'Echo (05/09/2017)

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